Et oui, notre Trophée Aïcha des Gazelles a commencé comme cela un beau matin de mars à la conférence de presse de l'Unesco . Dominique Serra la pétillante organisatrice qui adore faire des surprises en avait réservé une de taille pour la vingtième édition de son événement en invitant 2 gazous, un pilote et un navigateur, à se mesurer aux 220 gazelles de la course. Autant vous dire que tout en gardant un sourire de circonstance, nous ne faisions pas les malins pour autant.
Et voici notre voiture l'ISUZU 199 quelques heures avant le départ du Prologue. En parfait état, comme neuve. Ça ne va pas durer.... Il faudrait d'ailleurs montrer plus d'images des véhicules à l'arrivée pour montrer que ce rallye est loin d'être une sinécure comme certains pourraient l'imaginer à tort. Fournie et préparée par Stéphane, concessionnaire à Plouay (Finistère) j'ai le plaisir de courir sous les couleurs de ma Bretagne. C'est déjà ça.
Et voilà notre équipe de mécanos, Denis et Stéphane, déjà occupés à changer nos jolies roues vert fluo sous l'oeil attentif de David le pilote. Je ne les remercierai jamais assez de leur patience et gentillesse. La voiture, comme le bateau, c'est une histoire d'équipe. Chaque soir, nous ramenions la 199 pleine de poussière et de bosses pour la retrouver comme neuve le matin pour un nouveau départ. Sans compter le rendez vous de l'apéro du soir espoir qu'il était impensable de rater....
Le Rallye des Gazelles est avant tout une histoire de navigation. C'est pour cela que dès le départ je choisis de mettre le pilote dans le coup en lui montrant mes chères boussoles, ma règle Cras et mon compas de relèvement, même si nous avions choisi de ne pas partager pendant la course. Mais, c'est important que l'un comprenne bien ce que fait l'autre et vice versa.
David est un grand pilote de rallye moto, peut être le meilleur actuellement. Nous nous sommes rencontrés par l'intermédiaire d'un ami commun , Jean Pierre Aujoulet, qui m'avait jadis engagé chez Gauloises et qui s'occupe actuellement du team de David.
Je fonctionne beaucoup à l'intuition et il ne m'a pas fallu plus d'un repas en commun pour comprendre qu'on allait bien s'entendre.
On s'est vite rendu compte que ça n'allait pas être facile et qu'il y allait avoir du boulot. David croyait que les balises étaient posées sur les pistes comme au Paris-Dakar. Au début du Prologue, quand je lui ai dit qu'il fallait passer tout droit à travers les herbes à chameaux, il a fait une drôle tête. D'ailleurs, quelques minutes plus tard, on était paumés et on cherchait notre première balise debout sur le toit de notre 4X4.
Voilà donc ce à quoi j'ai passé le plus clair de mon temps. Tirer des relèvements et des caps. Le Rallye Aïcha des Gazelles se gagne au nombre de kilomètres parcourus. Le matin, l'organisation vous donne un road book avec les points GPS des balises à trouver dans la journées. Il s'agit de les placer avec soin sur des cartes au 1/100000 ème (1cm=1km) et de partir à la chasse en essayant de parcourir le moins de distance possible. Beaucoup moins facile qu'en mer parce que dans le désert sud marocain, la ligne directe est encombrée d'obstacles difficiles voire impossibles à franchir: dunes escarpées, reliefs déchiquetés, oueds asséchés au tracé improbable, canyons insondables... Quelle que soit la valeur du pilote...! N'est-ce pas David...!
De plus, il est difficile de repérer des amers précis et surtout d'apprécier les distances afin de réaliser des triangulations efficaces pour vérifier sa route.
Pour moi, il s'agit d'une vraie remise en question, car la navigation à l'ancienne ne se pratique plus -malheureusement peut-être- sur nos bateaux de course où tout est informatisé et où le positionnement est confié au soin des GPS. Du coup, il a vraiment fallu se battre pour se maintenir dans le "top ten" avec toutes ces filles formidables qui nous mettaient une pression extraordinaire et rigolaient en nous croisant dans le désert : "Hello le navigateur, t'es perdu ???"
A propos de désert, qu'il était beau celui là, bien au sud de Merzouga, et combien notre rencontre improbable et fortuite avec cette femme touareg et sa petite fille, toutes seules au milieu de nulle part, restera gravée parmi mes beaux souvenirs de ce rallye.
Au bout de trois jours de compétition effrénée, David me laisse en plan, bien malgré lui, pour aller courir sa première épreuve du Championnat du monde : le Désert Adventure à Abu Dhabi. Je fais la connaissance des deux Gazelles fort sympathiques qui vont nous succéder sur la 199 , des anciennes compétitrices qui vont s'entendre à garder le niveau : Aude et Nathalie... et avec le sourire s'il vous plaît ....
Pendant ce temps là, je prends un cours de conduite dans les dunes avec Yvan le terrible maestro du sable et la célèbre voiture presse numéro 1 repérable de loin par les arabesques qu'elle dessine.
J'apprends donc à son bord que les dunes, on les passe comme les vagues, on grimpe la pente puis on abat au sommet pour redescendre en accélérant. Plus facile à entendre qu'à faire. Je regrette beaucoup à ce moment que mon pilote préféré n'ait pas pu s'amuser avec moi dans les gigantesques ondulations de Merzouga au volant de notre vaillante ISUZU 199.
Le sable de Merzouga est une véritable légende. La piste du Dakar le contourne prudemment . Le Trophée Aïcha des Gazelles s'y enfonce résolument. Dégonfler les pneus, sortir les pelles et les plaques lors des inévitables "tankages" dans le mou piégeux, prendre des alignements difficiles, aléatoires, entre les immenses collines de sable pour dénicher le minuscule drapeau rouge signalant la balise, c'est une sorte de ballet motorisé qui anime ces lieux initialement réservés aux dromadaires des caravanes.
Mais revenons à la course courageuse de l'ISUZU 199. Nos Gazelles reparties à Paris, nous attendons pour les remplacer l'équipe des "artistes associés", deux autres Gazous plus habitués aux planches de théâtre qu'à l'erg marocain. Bloqués à Ouarzazate par des bagages récalcitrants, Olivier Sitruk et Stéphane Guérin-Tille arriveront avec une journée de retard. Au briefing de 5 heures du matin, et oui, on se lève tôt aux Gazelles, Martine et Dominique m'annoncent qu'il faut repartir.... C'est un plaisir inespéré et je cours rechercher mes boussoles, mes cartes et mon pilote le journaliste américain Dan Campbell-LLyod, un autre Gazou en mal de défi... Et c'est reparti pour un tour et une étape sublime pendant laquelle notre principal challenge sera de devancer l'équipage redoutable des Gazelles américaines....
Le soir, dans la moiteur du bivouac méridional de Mahmid, arrivent enfin nos successeurs en même temps qu'un vent de sable menaçant pour la suite des événements. Et cela se confirme dès le lever du jour avec un soleil orange déjà voilé par une brûme tenace. Aujourd'hui c'est une longue étape marathon et cela risque d'être dur pour nos deux remplaçants. Et pourtant.... Après une première balise conquise de main de maître , le terrible vent de sable tant redouté se lève soudain et ensevelit la course ainsi que nos vaillants Gazous. Qui ne démériteront pas au milieu de cette tourmente , véritable blizzard de sable, qui en aurait impressionné plus d'un et arriveront ainsi à préserver jusqu'au bout la place inespérée, méritée de notre chère 199.
Et le lendemain, vendredi, c'est déjà presque fini. La caravane entière s'étire jusqu'à l'Océan Atlantique qui baigne Agadir puis Essaouira l'issue du périple. Samedi matin une procession impressionnante de véhicules poussiéreux et parfois cabossés suit la plage jusqu'aux portes de la ville blanche et bleue ? C'est l'occasion pour tout le monde de se retrouver, d'échanger, de photographier. Grand moment de plaisir partagé. Nous retrouvons ainsi les grandes animatrices de la tête de la course: Christine et Claudine d'abord, premières au classement général, Syndiély et Carole ensuite, longtemps en tête mais ralenties sur la fin par un problème mécanique. Mais, comme le dit très sportivement Carole, reine olympique du ski de vitesse qui en connait un rayon sur le sujet: "c'est cela la course....!"
super Eric ! un beau récit... nous devons faire le notre et tu auras une belle place dedans.
RépondreSupprimerBiz
clem
Magnifiquement décrit, on y retrouve notre vécu aussi, bravo aussi pour la suite et au plaisir de se rencontrer à nouveau peut etre au port du Cap d'Agde...
RépondreSupprimerFlorence
Equipage 134 2010