Mouillage de rêve aux Tuamotu pour le trimaran Mod 70 Race For Water. |
Après le Groenland et la Bolivie, je rejoins le trimaran Mod 70 Race For Water à Valparaiso pour une mission environnementale de témoignage sur la pollution plastique des océans qui doit me mener jusqu’à Hawaï. Voici le récit jour après jour de cet extraordinaire périple.
Place centrale La Paz |
Lundi 4 mai 2015
23h45- aéroport d’El Alto, à moitié désert et désespérément glauque. Je quitte La Paz pour gagner Valparaiso ce qui va me prendre un partie de la nuit et toute la journée du lendemain. En effet, mon premier avion part tout à l’heure à 3h40, drôle d’horaire, pour Lima en passant par Santa Cruz. A Lima, j’embarque sur un vol pour Santiago où j’arrive en milieu d’après midi pour prendre un bus jusqu’à Valparaiso. Si tout va bien je peux espérer toucher mon hôtel en fin d’après midi ou en début de soirée. Je pense que je vais bien dormir….
Dans les rues de La Paz |
J’ai donc quitté cette ville incroyable sans manquer de déambuler une fois de plus par cette douce soirée d’automne austral dans les rues animées d’une foule dense, bruyante et bigarrée. Avec beaucoup de plaisir et de curiosité car c’est peut être dans ces heures du soir, entre 19 et 22 heures, que la ville se montre sous ses plus pittoresques atours.
Vers 7 heures du matin,en approchant de Lima, capitale du Pérou, escale forcée pour aller à Santiago, le soleil s’est levé et illuminé sous les ailes de notre avion les sommets enneigés de la Cordillère . Bientôt apparait l’océan pacifique, car Lima est avant tout un port.
Mardi 5 mai - Arrivée au Chili et premières impressions
Long voyage tout de même avec heureusement des avions à moitié pleins et donc des conditions relativement confortables et reposantes.
Arrivé à l’aéroport de Santiago en début d’après midi, j’aurai pu m’inquiéter sur le perte de mon bagage, compte tenu du temps mis pour le retrouver sur le tapis, si je n’avais pas vu les manutentionnaires l’embarquer dans l’avion à Lima. Ceci dit, ce contretemps fâcheux m’a fait prendre du retard. Qui plus est, il n’y a aucune indication claire à la sortie de l’aéroport pour trouver les bus pour Valparaiso et personne ne s’exprime suffisamment bien en anglais pour pouvoir m’expliquer comment faire! Finalement je me résous à prendre un taxi jusqu’au terminal de bus où je trouve finalement in extremis une place pour Valparaiso après pas mal de palabres, car ici si l’on ne parle pas espagnol personne ne vous comprend. Une heure et demi de voyage jusqu’à Valparaiso, un voyage tranquille sur une voie rapide, sans beaucoup de circulation même en arrivant dans la ville. Le paysage composé de collines débonnaires qui s’adoucissent en arrivant vers l’océan est calme et reposant. L’ hôtel Mare Nostrum où nous sommes logés est en fait l’hébergement des officiers de marine chiliens lors de leur passage à Valparaiso. Il est moderne et confortable mais se situe en réalité à Vina del Mar, la station balnéaire qui s’est créée juste au nord de la vieille ville de Valparaiso. C’est un peu moins charmant mais surtout cette localisation nous place à l’opposé de l’endroit où sera amarré le bateau, ce qui va impliquer de nombreux déplacements. En attendant je m’en vais diner du côté du bord de mer avant de retourner dormir à l’hôtel.
Le port de Valparaiso |
Mercredi 6 mai
La sonnerie du téléphone me tire de mon sommeil à 10h30….! Il y a longtemps que je ne m’étais pas levé aussi tard mais je réalise qu’avec ce long voyage depuis la Bolivie, je devais réellement être en dette de sommeil. Franck et une partie de l’équipe doit arriver d’Europe dans la journée. Je vais en profiter pour partir explorer le quartier. Je marche jusqu’à la mer. Avant d’arriver sur la route du littoral les immeubles modernes cossus font place à un parc de verdure plutôt agréable. Je suis un peu déçu car il n’y a pas de plage mais une sorte de jetée artificielle faite d’énormes blocs de rochers sur lesquels viennent briser les vagues. Rien de très romantique. La ville de Valparaiso s’étale en effet au sud dans une anse que je trouve assez ouverte aux vents d’ouest et s’étage sur les collines avoisinantes. Drôle de port… Plusieurs cargos et porte containers sont au mouillage dans la baie. D’ici, j’ai l’impression que la place derrière la digue de protection qui mesure entre 600 et 700 mètres de long est relativement comptée. C’est néanmoins à cet endroit que devrait être placé le bateau à son arrivée, probablement vendredi ou samedi.
En fin d’après midi, je rejoins tout le monde et nous allons diner en ville dans un restaurant péruvien. Décidément, cela ne me change guère de la Bolivie.
Jeudi 7 mai
Nous partons en voiture en milieu de matinée pour rencontrer les responsables de l’amirauté qui doivent assurer l’emplacement de notre bateau. Situé en plein centre ville tout près du port de commerce, le bâtiment de l’Amirauté est superbe et nous renvoie au début du siècle dernier à l’époque des grands voiliers qui venaient faire escale ici après ou avant de passer le Cap Horn. Nous nous retrouvons face à un aréopage d’officiers de marine et d’administrateurs autour d’une longue table de réunion situé dans une salle banale et décevante par rapport au caractère du bâtiment. Tout le monde s’exprime en espagnol et heureusement qu’Emilie et Lucie sont là pour traduire.
D’une façon surprenante, tout semble compliqué ou si l’on préfère, rien ne parait simple. Nous croyons comprendre que le bateau n’était attendu qu’à partir de lundi et que jusque là on ne sait pas trop où le mettre !!! On nous propose même de le laisser au mouillage dans la baie par 50 mètres de fond…. Il faut aussi prendre un transitaire pour le dédouanement. On sombre en pleine administration militaire alors que semble-t-il, tout avait été expliqué et réglé depuis le mois de janvier. Nous sommes un peu déconfits même si tout se passe avec des grands sourires. Pour finir, nous nous engouffrons dans un véhicule de la marine pour rejoindre la base navale (ou l’Arsenal) afin de trouver un quai pour accueillir nos camarades…. Cela sent un peu l’improvisation…. Nous trouvons enfin un emplacement qui semble convenable entre une vedette rapide et un gigantesque cargo, en espérant que cela reste définitif….
Dans l'aube brumeuse du petit matin gris Race For Water mouille en rade de Valparaiso. |
Vendredi 8 mai
Le bateau est arrivé dans la baie cette nuit.
Nous le retrouvons en milieu de matinée mouillé dans la baie à quelques encablures de la côte. Une vedette des douanes ou de la police tourne autour de lui sans doute pour effectuer les opérations administratives, enfin, nous l’espérons.
Nous passons une bonne heure sur la plage coincée entre la voie ferrée et une sorte de promenade piétonnière en assez mauvais état à faire quelques photos du bateau en rade de Valparaiso , jusqu’au moment où il y a l’air de se passer quelque chose : en effet nos camarades ont l’air de déraper leur mouillage pour gagner au moteur leur emplacement définitif, on l’espère dans le port militaire.
Nous les rejoindrons finalement beaucoup plus tard car une sacrée mésaventure nous arrive. En effet, en revenant à notre voiture garée dans une sorte de parking désert, nous avons la funeste surprise de découvrir que notre véhicule a été proprement cambriolé et que tout ce qui était à l’intérieur a été volé. J’avais pris la précaution, échaudé par une pareille histoire quelques années auparavant en république dominicaine, de prendre mon sac photo avec moi et étais du coup le seul « rescapé » de l’affaire. Mes camarades passeront ainsi une grande partie de la journée à gérer les conséquences de cette péripétie dont tout le monde se serait bien passé.
Notre poste à quai dans le port militaire de Valparaiso. |
Samedi 9 mai
Finalement toute l’équipe s’est retrouvée réunie dans le même restaurant de Vina del Mar le soir.
Ce matin, après un court briefing équipage avec Steve qui nous permet de préciser le planning des jours à venir, nous partons travailler sur le bateau car il y a une foule de petits détails à régler avant notre départ de la semaine prochaine, départ que nous remettons finalement au lundi 18 ce qui va permettre à Steve d’effectuer un aller et retour en France.
Le soir Franck et Marco nous ont dégoté un petit restaurant sympathique et très couleur locale sur les hauteurs de Valparaiso où nous passons une soirée délicieuse accompagnée par une chanteuse talentueuse et de remarquables danseurs de tango. Samedi soir à Valparaiso, on n’est pas couché. Nous nous laissons entrainer dans une succession de bars de nuit au coeur de cette nuit chaude typiquement sud américaine au milieu d’une foule latinos imbibée de bière et d’autres alcools plus sévères. Avec Olivier Rouvillois, alias Bunny, nous allons de rencontres en rencontres en suivant Constancia une jeune chilienne et Raymond, son mari américain jusqu’à un taxi commun qui nous ramènera aux aurores à notre hôtel.
Dimanche 10 mai
C’est ma journée « off ». J’en profite pour aller faire un tour sur les hauteurs de la ville en prenant métro puis ascenseurs branlants . Cette partie de Valparaiso est du coup envahie par des touristes de tout poil que j’avais ignorés jusqu’à présent. Ils ne sont pas nombreux à Vina del Mar qui est en fait une station balnéaire réservée aux chiliens fortunés et sans aucun intérêt , presque invisibles dans la bas de la ville et côté port et arsenal militaires et visiblement ne se risquent guère le soir dans les quartiers chauds de Valparaiso….
La rade de Valparaiso vue des hauteurs de la ville. |
Lundi 11 mai
Conférence de presse le matin dans une casemate de la guerre du Pacifique (un grand moment de l’histoire chilienne qui leur a permis entre autres d’annexer la partie du territoire bolivien qui leur permettait d’accéder à l’océan pacifique…ce qui reste encore un grand sujet de discorde). De nombreux journalistes et hommes politiques sont présents y compris ceux qui nous ont mis des bâtons dans les roues à notre arrivée. Marco fait une brillante présentation du projet Odyssey R4W et débute ainsi une sorte de marathon médiatique qui s’achèvera au départ du bateau la semaine prochaine. Nous sommes tous présents tous de bleus vêtus alignés ensemble pour les nombreuses photos.
Mardi 12 mai
Journée de travail sur le bateau. Réparation de la dérive et contrôle du gréement. Démontage de l’étai de solent. Check up de électronique et des systèmes de communication. Tout cela prend du temps, surtout que les visites se succèdent à bord, enfants des écoles, hommes politiques de tout bord, partenaires locaux. Ce port de Valparaiso est vraiment bizarre. Nous sommes à couple d’un aviso de la marine chilienne tout au fond de la base navale, logiquement l’endroit le plus abrité, ce qui n’empêche pas le bateau d’être animé en permanence de mouvements brusques dus à un fond de houle qui pénètre jusqu’ici.
Réparation de la dérive ...
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POST : Escale à Valparaiso
« Rien que l’évocation du nom fait rêver ! Souvenir de mon enfance : dans la maison bretonne de ma grand mère, je me souviens d’une photo jaunie qui représentait cette baie de Valparaiso au début du siècle dernier avec mouillés, serrés les uns contre les autres, une multitude de grands voiliers dont celui de mon arrière grand père, lui même capitaine au long cours.
Et aujourd’hui je marche sur les traces de mon aïeul, que je n’ai connu qu’à travers quelques trop rares images, dans les rues de la vieille ville qui étage ses maisons multicolores au dessus de la baie. Avait il parcouru ces rues pavées pour s’arrêter déjeuner dans cet estaminet obscur qui ouvre ses portes sur la lumière crue de la rue ? Ou alors emprunté cette vétuste cabine d’ascenseur qui gravit cahin-caha la pente raide qui mène à la haute ville? Je descend des escaliers très pentus encadrés de maisons recouvertes de tags artistiques jusqu’au centre ville où se concentrent toutes les administrations. Comme nous pour discuter avec les autorités portuaires, il a probablement arpenté les couloirs de ce magnifique bâtiment de l’amirauté qui devait exister à l’époque, situé à quelques encablures du quai où il embarquait pour regagner son bord. La ville devait être resserrée autour de ce quartier populaire et la grande jetée qui protège maintenant le port ne devait pas exister. Les bateaux restaient mouillés au large de cette large baie qui leur paraissait un havre de tranquillité après les mers sauvages du Cap Horn. Aujourd’hui, tout cela a bien changé. Seuls quelques cargos rouillés patientent tristement au large. Depuis la création du canal de Panama le trafic maritime qui faisait la richesse de cette cité a presque totalement disparu laissant derrière lui une morne impression de décadence.
Demain, retour pour nous aux affaires. Race For Water, notre trimaran d’exploration et de témoignage vient d’arriver et il nous reste une semaine pour tout préparer avant notre prochain départ pour Eastern Islands (Ile de Pâques), l’atoll de Palmyra et Hawaï. Cela implique beaucoup de vérifications techniques car le bateau vient de parcourir plus de 7000 milles (13 000 km), même si aucun accident marquant n’a été à déplorer.
Le travail sur le bateau va être partagé avec de nombreuses réceptions et conférences de presse. En effet, nous sommes officiellement accueilli par le gouvernement chilien et il est question que nous allions en milieu de semaine à Santiago pour présenter l’Odyssey au Sénat après une soirée très chic à l’Ambassade de Suisse. »
Mercredi 13 mai
Aujourd’hui on bouge !!! Toute l’équipe part en bus pour Santiago pour une série de visites et de célébrations organisées par l’ambassade suisse. On en profite aussi pour déménager nos affaires dans notre prochain hôtel situé sur les hauteurs dominant le centre ville et un peu plus proche de notre bateau. Le Monte Allegre est situé comme son nom l’indique dans la rue Monte Allegre très raide comme toutes les rues ici. C’est comme à La Paz mais heureusement avec l’altitude en moins, ce qui évite d’être tout le temps essoufflé. A Valparaiso nous serons logés à l’Hyatt tour cylindrique immense en plein centre de cette ville ultra moderne. En deux jours et une nuit, nous n’arriverons pas à situer la vieille ville s’il en existe une d’ailleurs. J’ai un doute .
Visite d'une usine de traitement des plastiques à Santiago |
Samedi 16 mai
Il est vraiment temps qu’on parte. Même si Valparaiso ne manque pas de charme. Mais je commence à en avoir fait le tour . Demain je passerai ma journée sur le bateau avant d’aller à Santiago où je dois récupérer Steve lundi matin. Cela risque d’ailleurs d’être la course. En effet, les autorités militaires toujours aussi aimables nous obligent à quitter notre emplacement avant 11 heures, dernier délai que Marco n’a pu faire évoluer. Steve arrive à 9 heures, dans le meilleur des cas. Il faut 1 heure 30 en voiture pour regagner Valparaiso. Je ne vois pas comment nous pouvons être à 11 heures à bord….!!!!
Mais on est au Chili et tout peut encore changer ….!!!! Comme chacun sait trop bien depuis notre arrivée ici.
Aujourd’hui, c’est notre premier jour sans soleil. Valparaiso est plongé dans un nuage de brume. Il n’y a pas un souffle de vent et on entend crier les mouettes. Cette nuit, parait il, la terre a tremblé quelques minutes et cela a suffi a réveillé certains d’entre nous. Personnellement cela ne m’a absolument pas dérangé. Seul la rentrée tardive d’Olivier m’a tiré quelques instants de mes rêves. Je dors très bien à Valparaiso dans notre nouvel hôtel planté sur les flancs de la vieille ville. Je suis descendu à pied en empruntant un escalier délabré et très raide pour rejoindre l’esplanade de l’amirauté alerté par des bruits de tambour…. un peu inattendus. J’ai assisté alors au milieu de la foule rassemblée à un long défilé de lycéens et d’écoliers marchant au son de musiques martiales devant un aréopage de personnalités civiles et militaires. Un spectacle insolite qu’on ne doit pouvoir trouver qu’en Amérique latine, je pense… Un vieux relent des dictatures militaires qui ont longtemps sévi par ici.
Défilé des enfants des écoles à Valparaiso... |
Je suis remonté ensuite tranquillement et toujours à pied pour déjeuner avec un verre de vin au Vinyl, notre petit restaurant favori où j’espère bien retrouver mes amis chiliens avec qui nous avons passé d'excellents moments jusqu'ici.
Lundi 18 mai 2015
9h00, je récupère Steve à l’aéroport de Santiago. Et on file jusqu’à Valparaiso où le bateau nous attend pour partir. Tout se passe à cent à l’heure si bien que nous nous payons le luxe d’arriver en avance. A 11h30, comme prévu, nous quittons notre appontement à couple de l’Aviso Valparaiso avec quelques invités à bord que nous larguerons un peu plus loin dans la baie à bord d’une vedette militaire venue les récupérer en pleine mer. Ils n’auront pas eu le loisir d’admirer les capacités de vitesse de notre trimaran bleu au moins à la voile puisque tout est calme dans la large baie de Valparaiso. Brume et vent calme. Adieu Valparaiso quand nous reverrons nous ?
Au revoir à nos accompagnateurs en baie de Valparaiso. |
Et maintenant j’écris bien calé sur la banquette de la cuisine. Tout à l’heure le vent s’est levé , nous avons stoppé le moteur et enfin nous naviguons à la voile. Derrière la cuisinière qui brinquebale j’aperçois la mer qui défile par le hublot tribord et dans mon dos j’ai la vibration de coque car nous avançons vite sous gennacker à près de 20 noeuds. Je retrouve avec plaisir les bruits caractéristique d’un multicoque qui avance. Je disais tout à l’heure à Steve bien calé à la barre que cela me changeait carrément de mes récentes navigations antarctiques à bord de Maewan ou de La Louise. Il faut que je me ré habitue à la vitesse….
Nous sommes de quart 3 heures avec Steve et Bunny. Les deux autres, Claude et Martin dorment car ils nous relaieront à 18h00. Tout à l’heure je vais aller barrer un moment et j’attend ces instants de retrouvailles avec le bateau impatiemment. J’entend Bunny et Steve qui discutent sur le trajet idéal pour toucher le maximum d’îles sauvages entre l’île de Pâques et Hawaï. Une belle cuillère par l’ouest, les tacticiens comprendront. Pour ma part, nonobstant que j’ai mon avion le 18 juin, ça me dit bien. En effet lors de mon dernier passage dans le secteur sous gréement de fortune avec Gauloises 3, je les avais entrevues sans jamais pouvoir m’arrêter. Vive la cuillère R4WO !!!!
Omelette du matin avec Steve et Bunny. |
Mardi 19 mai
Après une nuit passée sous Gennacker à bien avancer, au petit matin le vent s’ écroule et nos voiles avec. C’est un grand calme blanc qui s’allonge sur une mer splendide agitée de vastes ondulations de houle venue du grand sud.
J’en profite pour prendre ma première leçon de captage d’eau avec Steve qui se mue en professeur de biologie marine. Il faut savoir tout faire pour naviguer sur Race For Water. Ca marche comme ça : d’abord ralentir sérieusement le bateau. Ce matin c’est pratique puisqu’il suffit de mettre le moteur au ralenti. Ensuite récupérer le matériel scientifique qui se trouve garé dans un filet sous le bloc du compresseur. Nous disposons d’ une sorte de longue épuisette qui me rappelle les haveneaux de mon enfance bretonne, terminé par un sorte de gobelet cylindrique, le tout relié au bateau par un filin de couleur fluo et une bouée jaune qui permet de repérer l’ensemble.Une fois que tout est clair et bien démêlé, Steve balance tout à la mer en déclenchant son chronomètre car la prise doit durer exactement 10 mn.
Récolte d'eau de mer et de plancton par Steve. |
L'épuisette de captage... |
Quelques oiseaux de mer moqueurs contemplent le spectacle se demandant sûrement si ce n’est pas un filet de pêche leur permettant d’envisager un repas facile. Une fois le temps imparti, on relève le matériel et on récupère le prélèvement pour analyse. Je n’en crois mes yeux car ces quelques décilitres d’eau de mer du Pacifique sud que nous avons recueillie dans le gobelet sont pleins de petites bestioles microscopiques qui s’agitent dans tous les sens. On dirait des spermatozoïdes mais Steve m’assure que c’est du plancton. Et le plastique dans tout ça ? C’est pas facile comme ça de s’en rendre compte à l’oeil nu et comptabiliser les microparticules sûrement présentes. Il faudra attendre les analyses de Martin, notre laborantin scientifique qui va s’y mettre dès son réveil .
Martin, notre "laborantin" à l'oeuvre .... |
Cela dit à propos de plastiques , nous avons recueilli accroché à l’hameçon de la ligne de traine un bout de gaine de cordage qui devait trainer depuis belle lurette entre deux eaux invisible de la surface, avec accrochées à son extrémité quelques moules minuscules !!!!! Bon voilà, c’est mon premier témoignage d’ambassadeur de la cause Race For Water et il y en aura d’autres. Pas pour tout de suite, car le vent se relève du Nord et nous voilà repartis cap à l’ouest, au près serré cette fois ci et dans une mer dure qui va rendre l’écriture difficile. Clap de fin et à demain si vous le voulez bien.
Mercredi 20 mai
Journée agitée à essayer de passer le front dépressionnaire pour contourner la bulle anticyclonique qui végète devant nous. Le vent monte dans la soirée jusqu’à 30 noeuds, ce qui me permet de réviser les combinaisons de voilure du Mod 70:
1 ris Solent
1 ris Trinquette
1 ris ORC
2 ris ORC
3 ris ORC
…… et que fait on après. Ca chahute ferme à l’extérieur car nous fonçons droit dans une mer hachée malgré notre volonté de ralentir pour ne pas casser le bateau. Le pilote fait bien son job et les quarts se passent sans effort sauf lorsqu’il faut manoeuvrer la grand voile et les voiles d’avant. Mais enfin avec les enrouleurs c’est presque des vacances, mais alors rien à voir lorsqu’on allait changer de voile à l’avant avec mousquetons sur l’étai et tout et tout, à la belle époque de Penduick 6 et de Tabarly.
Enfin ce matin au changement de quart, nous franchissons le fameux front pluvieux pourri et comme par miracle le vent se calme ce qui nous oblige à continuer au moteur une grande partie de la journée.
Et maintenant, nous avons le grand plaisir de vous annoncer que nous faisons la route directe sur l’île de Pâques sous grand voile haute et Solent à plus de 15 noeuds de moyenne avec le soleil revenu. Il nous reste un peu moins de 1500 milles jusqu’à l’arrivée .
6 heures du matin changement de quart. Claude et Martin montent et nous redescendons dans notre cahute pour essayer de dormir. Nous sommes un peu transpirants car nous ne nous sommes pas ennuyés sur le pont cette nuit. Tout à commencé par une bonne heure de démêlage de drisses lorsque le vent a gentiment adonné et que nous avons voulu envoyer notre Gennacker, ce qui a eu le don de mettre notre skipper de mauvaise humeur. Nous avons eu droit ensuite à un nuage plus noir que noir (en effet la lune a disparu depuis quelques jours et on navigue comme dans le cul d’un nègre selon la bonne vieille expression suisse) qui nous a occupé deux bonnes heures entre réglages changeants, virement de bord involontaire puis empannage volontaire afin de mettre le nez du bateau en direction d’Eastern Island la bien nommée.
Et maintenant, le quart montant a bien de la chance car le vent s’est dirait-on stabilisé, un bon petit sud est de 10/15 noeuds ce qui donne une bonne vitesse si je puis en juger par le murmure incessant tout près de mes oreilles de l’eau glissant sur la coque.
Aller dormir mais où ? Plusieurs solutions s’offrent à vous :
les deux bannettes faites pour ça. Le problème est que Steve a fait son nid dans la plus confortable et que rentrer dans la seconde située au dessus oblige a des contorsions compliquées sans compter qu’elle ressemble à un vrai cercueil.
la cabine du média man, à l’arrière, derrière la cuisine. Pas mal à condition d’accepter la position en chien de fusil et aussi d’être secoué comme un prunier . Ni agréable, ni facile.
restent les planchers et finalement à condition de les agrémenter d’un ou deux vrais tapis de sol, c’est pas mal du tout. Etant nouveau sur le bateau j’ai laissé celui de la cabine à Bunny et je me suis installé à côté de ce cher puit de dérive qui n’arrête pas de siffler avec différentes gammes qui me renseignent sur la vitesse de notre navire : sifflement léger 15 noeuds, strident 20/25 noeuds, silencieux inquiétant !!!
Empannage en équipe et on fait la route. Déjeuner tous ensemble sur le pont à l’abri de la casquette l’écoute de Gennacker et le chariot de grand voile à proximité car le vent a légèrement grimpé et il faut surveiller le pilote.
On est bien en mer ! Mais quelle solitude ce Pacifique! Nous n’avons pas croisé un seul navire depuis notre départ et seuls quelques oiseaux de mer solitaires . Et d’ailleurs qu’est ce qu’ils font à errer par là à des centaines de milles de toute terre ? Drôle de vie que celle d’oiseau de mer….
Vendredi 22 mai
Vendredi 22 mai
Ce matin, notre Mod 70 Race For Water est en mode TGV…! Nous longeons une interminable ligne de grains couleur aïgue marine qui renforcent l’alizé du sud est jusqu’à 25 noeuds bien frappés. Notre sillage immaculé, un vrai sillage de torpilleur comme aurait aimé dire Eric Tabarly, partage en deux le bleu profond de l’océan pacifique. A l’intérieur le bateau chante comme jamais et je vois l’eau défiler à toute allure à travers le hublot de la cuisine. C’est assez impressionnant de dévaler la mer à plus de 25 noeuds mais on s’habitue à tout et c’est vrai que nous nous trouvons dans une autre dimension de navigation par rapport à ce que j’avais connu dans ces parages à bord des monocoques Gauloises. C’était pendant nos courses autour du monde des années 80.
A cette allure Eastern Island se rapproche à toute vitesse, peut être dans moins de 3 jours me confie Steve, à condition de rester dans cet alizé puissant jusqu’au bout. Nous verrons bien.
Il est difficile dans ces conditions de sur vitesse d’observer la pollution plastique océanique . A l’oeil nu comme cela cette mer d’un bleu si profond, mouchetée de quelques crêtes blanches de vagues éparses semble tellement propre ! On ne croise ni débris flottants, ni bandes d’hydrocarbures, comme cela arrive souvent en Atlantique ou en Méditerranée. Et pourtant cette pollution existe.
Réparation d'une éolienne par Claude. |
A bord les rôles sont bien distribués : Steve passe de l’ordinateur au poste de barre . Claude est le bricoleur de service; en général il se lance dans ses réparations (pales d’éolienne, lampe récalcitrante, bouts à épisser etc…) au changement de quart de 9h00, ce qui lui permet de profiter de notre petit déjeuner que Bunny agrémente toujours d’une délicieuse omelette cuite à point. Bunny justement parlons en, est en charge de la vidéo et de la cuisine, ce dernier poste lui prenant beaucoup de temps, et cela pour notre plaisir à tous. Martin s’occupe plus particulièrement de l’informatique et de l’électronique du bord (et il y en a …!), donc d’envoyer nos photos, nos vidéos et nos textes à la terre….. Quand à moi, le VIP du bord, j’essaie de photographier te décrire la vie du bord, tout en prenant un immense plaisir aux manoeuvres et à la barre de ce superbe bateau auquel je m’attache de plus en plus.
Barre et cuisine à bord. |
Nous avons le droit à un coucher de soleil somptueux qui inaugure j’espère d’une nuit sans trop d’improbables grains virulents. Nous fonçons vers l’ouest et gagnons du temps. A 21h00 le soleil commence seulement à se coucher pour une bonne nuit de 12 heures et réapparaitre à 9h00 le matin.
Dans l'alizé au coucher du soleil. |
Samedi 23 mai
23 mai 2015, 23 mai 2003. Douze ans déjà, et que le temps passe vite, trop vite! Le 23 mai 2003 à 8h30 locales je me trouvais au sommet de l’Everest pour 10 courtes minutes inoubliables à l’issue de notre improbable aventure népalaise. Mes pensées vont bien sûr à mes 5 camarades « summiters », Patrick (trop tôt disparu), Nicolas, Nawang, Pemba et Lapka, nos trois sherpas à nous avoir accompagné là haut un peu contre leur gré (au moins au début). J’espère qu’ils se sont bien sortis de la récente catastrophe népalaise et que je recevrai bientôt d’une façon ou d’une autre de bonnes nouvelles de leur part.
Déjà au Népal je m’étais intéressé au sujet brûlant de la pollution de ces montagnes mythiques de plus en plus fréquentées. Je m’étais aperçu qu’on racontait à ce sujet un peu tout et n’importe quoi. On m’avait décrit le camp de base de l’Everest situé à 5300m d’altitude comme un foyer d’infections diverses dues aux déjections des centaines de personnes vivants deux ou trois mois sur ce bout de glacier. En 2003, il était interdit de pisser et autre en dehors des tentes chiottes installées par chaque expédition. Une équipe de porteurs était chargée de véhiculer tous les déchets organiques avec l’aide de leurs yacks jusqu’aux villages situés à 4000m où ils serviraient d’engrais pour les cultures. Les Népalais sont devenus conscient de l’importance du respect de l’environnement vis à vis du tourisme devenu leur principale source de revenus. Du coup on croise souvent des Sherpas en train de ramasser les déchets laissés sur les chemins de randonnée par d’indélicats « trekkers » et les poubelles de tri à bruler commencent à faire leur apparition même dans des villages les plus isolés.
Bien sûr c’est un autre débat au dessus de 7000 mètres . Sur la voie normale de l’Everest, on peut prétendre à un environnement correct jusqu’au camp 2 situé à 6300 mètres au fond de la combe ouest. Au dessus c’est plus problématique. Pendant notre expédition, au camp 3 à 7300m, une avalanche de séracs à emporté les tentes du campement des américains heureusement vides à ce moment. Il est évident que personne ne s’est amusé à récupérer les morceaux de tissus et d’aluminium broyés au milieu des blocs de glace et des crevasses. Au Col Sud à 8000 mètres, dernier camp d’altitude avant le sommet, c’est encore une autre histoire même si, je le jure, et si je mens je vais en enfer, nous nous sommes acharnés à démonter nos tentes et charger nos (très minces) poubelles afin de ne rien laisser derrière nous, malgré le mauvais temps et notre grande fatigue.
Ce matin elle a pris sa belle couleur d’alizé. Ce bleu cobalt qui se marie si bien avec la robe de Race For Water, avec dans le ciel ces caractéristiques petits nuages blancs tous ordonnés dans le même sens. Avec cela la température augmente vraiment dès que le soleil s’élève dans le ciel et nous allons bientôt pouvoir adopter t-shirts et bermudas…. Nous avons croisé nos premiers bateaux cette nuit et ce matin, de gros cargos et un pétrolier si l’on se réfère à l’AIS. Comme par hasard, nous avons rencontré aussi une bouée de pêche et un seau en plastique immergé entre deux eaux….
Le vent de son côté s’est un peu calmé et la vie à l’intérieur du bateau devient plus tranquille. Je peux écrire sans me cramponner d’une main ou m’arque bouter contre le bordé. Cela fait plus de 48 heures que nous naviguons sur le même bord sans trop toucher aux réglages si bien qu’à l’empannage tout à l’heure l’écoute de Gennacker semblait soudée par le sel sur la poupée du winch. Claude continue ses bricolages. Il a démonté le vérin de grand voile sans s’être compris avec Steve ce qui a retardé la manoeuvre d’une bonne demi heure au grand dam de notre skipper. Benny songe au repas de midi, Steve fait semblant de consulter les fichiers météo mais en vérité mate un film sur son ordi perso tandis que Martin s’inquiète de la charge des batteries. Bref, à bord de Race For Water la vie continue .
Dans l’après midi Bunny se trouve en route de collision avec un gros cargo que nous suivons depuis le fond de l’horizon. Il grossit presque à vue d’oeil, ses superstructures apparaissent au ras des flots, nous reconnaissons un minéralier avec ses deux mâts de charge. C’est l’événement de la journée. Nous le captons en VHF, il fait la route Panama l’Australie à 12 noeuds de moyenne, c’est dire qu’il n’est pas encore arrivé….Pour finir il passe devant nous à moins d’un mille et s’éloigne imperturbable. Monotone doit être la vie à bord.
Rencontre (rare) dans le Pacifique. |
Dimanche 24 mai
Comme prévu dans la nuit le vent refuse petit à petit. Nous abandonnons contraints notre fidèle Gennacker pour reprendre les réductions successives de voilure, Solent puis trinquette, un puis deux ris dans la grand voile. A notre quart du matin malgré notre allure de nouveau cahotante et comme c’est dimanche, Bunny nous gratifie d’une omelette baveuse accompagnée de toasts grillés et d’une demi tomate. C’est la fête; il manque seulement le petit coup de rouge VIP qui va bientôt devenir une légende.
Aux prévisions des fichiers du matin, on doit se faire secouer encore toute la journée avant d’échouer dans une zone de « pétole », ce qui devrait nous faire arriver en fin de nuit début de jour.
C’est bien ça, une journée entière de total shaker. J’ai l’impression d’être une balle de « babasse » sous l’emprise d’un joueur démoniaque. Pour déjeuner nous sortons les fameux lyophilisés pour la première fois. Même Bunny ne se voit pas faire la cuisine dans ces conditions.
Comme prévu dans l’après midi le vent tourne après un bon grain mal grain, mais ça ne s’arrange pas bien au contraire, car pour faire route directe sur l’île , on a la mer en plein de face et elle est bourrée de gros nids de poule…
Tout ça pour vous dire que chaque membre de l’équipage est à la recherche d’un endroit confortable qui n’existe pas et se replie dans un système végétatif.
Heureusement, ça se calme dans la deuxième partie de nuit et au lever du jour on aperçoit dans les étraves se dessiner sur l’horizon incertain l’île. Enfin !
Steve devant la baie de Tongariki. |
Notre équipe devant les Moïs de Tongariki, Martin, Olivier, Claude, Steve. |
Enfin, nous avons trouvé un restaurant sur l'ile de Pâques... |
Ile de Pâques - Hawaï
Jeudi 28 mai 2015
Nous avons quitté l’île au coucher du soleil pour nous retrouver de nouveau face à l’horizon infini.
En guise d’adieu, nous avons tiré quelques bords devant la plage pour montrer notre beau bateau sous voiles à nos amis Rapanui. Puis nous avons disparu dans la nuit étoilée.
Nos amis Rapanui nous accompagnent jusqu'au départ. |
Au revoir Eastern Island.... |
Faux départ, puisqu’au bout d’une demi heure de navigation cap au nord ouest vers les Marquises, nous nous apercevons qu’il nous manque un drone. Sacré drone ! Demi tour donc pour tenter de le récupérer sans trop perdre de temps…. Branle bas de combat pour essayer de joindre nos compères probablement en train de s’enfiler quelques bonnes bières au bar du port…. On se rapproche de la plage, Martin et Steve, en purs héros, s’en vont avec le semi rigide et nous laissent seuls sur le bateau.
Ils reviennent enfin avec l’objet tant convoité et une heure plus tard, nous sommes de nouveau sur la route et pouvons reprendre notre rythme de marins, quarts de 3 heures, dîner par Bunny…. etc…Sauf que cette fois ci nous avons avec nous un Gwen a du, notre drapeau breton et du vin rouge pour agrémenter nos repas. En allant vers Hawaï , Race For Water prend des couleurs bretonnes…..
Vendredi 29 mai 2015
Et nous voilà de nouveau à tracer un sillage rectiligne à la surface du Pacifique Sud.
Notre sillage de torpilleur !!!! |
Nous, ce sont les mêmes cinq que depuis Valparaiso. On aurait bien aimé que Marco soit avec nous mais il a dû faire contre mauvaise fortune bon coeur et retourner en Suisse pour s’occuper du business de la fondation. En réalité nous avons avec nous à bord un sixième personnage sensé nous porter bonheur. C’est la statuette Moï (enfin une grande statuette) achetée au dernier moment par Steve à un artisan local et que nous avons attachée dans le cockpit à la caisse du compresseur à côté des bouteilles de plongée. Ainsi, elle semble participer à la vie du bord et j’ai failli lui passer une assiette pendant le déjeuner tout à l’heure.
Martin et notre nouvel équiper Le Moï... |
Concernant la chance, pour l’instant elle semble bien de notre côté. Après un début un peu laborieux la nuit dernière, nous sommes rentrés dans un flux de sud est bien établi qui nous propulse à plus de 20 noeuds de moyenne dans la bonne direction. Au moment où j’écris ces lignes, calé avec mon ordinateur sur les genoux entre les parois de la coque en face de la cuisinière (je veux parler du réchaud et non d’une tierce personne, vous l’avez compris), les secousses et les vibrations sont telles que j’en rate parfois les touches. C’est dommage que l’on ne puisse pas restituer les rugissements, les sifflements permanents qui habitent en permanence l’étroit fuseau de carbone qui nous sert d’appartement et que je vais vous décrire rapidement .
Ainsi de l’avant vers l’arrière : tout d’abord la cabine spéciale VIP que j’utilise actuellement, située à droite du puit de dérive (un peu bruyante quand cette dernière est basse), suivie de la chambre de l’équipage et ses deux couchettes superposées très confortables plus le matelas que se partagent Claude et Bunny ; nous arrivons ensuite à la table à cartes (enfin la tablette aux ordis, sans carte car ces dernières en papier ont disparu de la circulation depuis belle lurette) et son siège en carbone moulé à l’arrière train du skipper, avant d’accéder à la cuisine et au salon en terrasse, accessible par une échelle en carbone (encore). Et pour finir la cabine média que l’on peut aussi qualifier de soute arrière compte tenu des divers matériels entreposés à cet endroit…
Il est 19h00 locales, le soleil vient de se coucher en dessous de l’étrave du flotteur bâbord, Steve barre avec application et fait accélérer le bateau entre les vagues, sous Gennacker et grand voile haute. Nous avons préparé la trinquette au cas où. Il va être temps de penser au dîner ….!!! A l’ouest rien de nouveau à bord de Race For Water en route directe vers les Marquises .
Somptueux coucher de soleil pacifique. |
Samedi 30 mai 2015
Une journée « pacifique » dans tous les sens du terme….
Le vent nous a abandonné dans la nuit. Nous étions de quart avec Bunny et tout semblait aller pour le mieux, nous avions même pris un ris dans la grand voile pour ne pas prendre le risque de nous mettre à l’envers . Lorsqu’un grain bien noir est survenu accompagné d’une pluie bien fraiche qui a avalé le vent…. Adieu le vent !!!
Finalement une journée « pacifique » a aussi de bons côtés. L’intérieur du bateau fait moins de bruit et on s’endort plus facilement. On prend plus de temps pour les tâches journalières du bord, en particulier les rangements. Notre vitesse étant vraiment tombée en fin de matinée, cela a permis à Steve et Martin d’effectuer une prise d’eau de mer pour analyse avec le filet épuisette qui ne peut fonctionner qu’en dessous de 5 noeuds.
L’océan est aussi bien pacifique et mérite bien son nom . La grande houle est toujours présente avec ses longues ondulations mais ne présente aucun danger. Quelle différence avec l’Atlantique toujours menaçant et agité. Ce sont les marins d’antan qui l’ont baptisé ainsi car ils devaient le trouver bien paisible au sortir du Cap Horn . Qui plus est, nous commençons à tutoyer des latitudes tropicales et c’est grâce au soleil de plus en plus ardent qu’il prend sa belle couleur bleue caractéristique des alizés.
C’est une dorsale anticyclonique qui s’étale devant nous et coupe notre route avec ses zones de calmes agrémentées de grains passagers dont il faut tout de même se méfier . Comme tout à l’heure où le vent s’est mis à souffler à plus de 30 noeuds aplatissant la mer devenue grise plombée sous le nuage. Je raconte à mes camarades que c’est un grain de la sorte qui a failli mettre un terme à mes espoirs de victoire dans la Route du Rhum 82 à quelques centaines de milles de la Guadeloupe. Steve, lui, avait eu bien moins de chance quelques années plus tard à peu près au même endroit.
Le calme revenu nous permet un « apéro » peinard en terrasse au coucher du soleil où nous nous prenons à guetter le fameux rayon vert tout en devisant sur notre bonheur présent d’être en mer avec une bande de potes sur un voilier tout ce qu’il y a de plus magique, loin du monde réel et de ses tracas.
Dimanche 31 mai 2015
L’anticipation est la qualité principale du bon capitaine m’avait appris mon maître Eric Tabarly en compagnie duquel j’ai passé quatre merveilleuses années de ma vie de marin. Il faut reconnaître qu’Eric avait l’habitude de pousser ses bateaux à fond (« à donf » comme on dit maintenant) et que nous nous retrouvions souvent dans des situations compliquées dont seul son génie nous permettait de sortir. Sur Penduick 6, qui était un bateau dur (je ne sais toujours pas comment Eric a réussi à gagner la Transat anglaise en solitaire de 1976 avec), je me suis souvent demandé , par exemple sous spinnaker par forte brise, comment tout cela allait se finir ?
C’est drôle parce que je ressassais ces souvenirs tout à l’heure, à la barre de notre trimaran, lancé à pleine vitesse dans une nuit heureusement éclaircie par la lune, alors que nous venions de prendre un ris et que j’enregistrais quand même des pointes à plus de 25 noeuds. J’observais notre immense Gennacker gonflé au dessus des étraves fuyant dans la mer obscure, tendu à craquer par le vent. J’imaginais les efforts énormes subis par les points d’amures et de drisse et par la toile elle même dans les accélérations du bateau et me demandais que faudrait il faire si un de ces points venait soudain à lâcher. J’imaginais l’explosion terrible avec la voile partant d’un coup sous le vent et passant à la mer ? Comment faire ? Je passais une partie de mon quart à échafauder diverses solutions pas plus satisfaisantes les unes que les autres et m’en ouvrait le lendemain à Bunny mon compagnon de bordée qui me répondit qu’il s’était justement posé les mêmes questions à peu près au même moment… sans avoir les réponses.
Un peu plus tard dans la journée, j’en parle à Steve : « t’en penses quoi si ça arrive ? » Il me répond, « c’est comme en montagne, il faut faire confiance au matériel, et ça ne doit pas, il ne faut pas que cela arrive…Mais j’y pense tout le temps et à un tas d’autres choses aussi! »
Tout cela pour vous dire que vous avons passé un jour de grande vitesse à dévaler à fond de balle les vagues de cet alizé pacifique, rattrapant même des myriades de poissons volants effrayés à décoller devant nos étraves.
Lundi 1er juin 2015
Race For Water l’Empire des Bruits ..
Depuis hier nous sommes immergés dans l’Empire des bruits. Il n’y a pas un seul endroit de silence dans le bateau. Tout est bruit partout et le pire est qu’on s’y habitue.
C’est la vitesse du bateau qui fait que l’on pénètre dans l’Empire des bruits. Il faut marcher au moins à vingt noeuds de moyenne. C’est ce qui se passe aujourd’hui alors que nous filons sous Gennacker et grand voile à 2 ris , ce qui veut dire des pointes à près de 30 noeuds lorsque nous descendons une vague plus verticale que d’autres, les yeux bridés par la vitesse.
Les bruits. Chaque zone a les siens. Si je commence par l’arrière et la soute de communication (le souk de com), c’est le royaume du gouvernail dont vous n’êtes séparés que par la relativement fine cloison du tableau arrière. C’est un concert permanent de sifflements plus ou moins stridents à mesure que la vitesse augmente, avec en plus, comme dans tout l’intérieur de la coque centrale, le feulement continu de l’eau qui glisse à toute vitesse le long des parois contre lesquelles nous nous appuyons. Côté cuisine le sifflement du gouvernail diminue quelque peu mais ce sont les chocs des embruns renvoyés par les flotteurs qui prennent le relais et s’écrasent contre le hublot de la trappe de survie en produisant un joli spectacle dont on ne lasse pas. A mesure qu’on avance on rentre dans le secteur de cet autre appendice fondamental et tout aussi incontournable, je veux parler de la dérive qu’il est possible de monter ou descendre selon les allures et le choix du skipper. Quelle que soit sa hauteur, dites vous bien que la dérive est toujours bruyante, ce qui est quelque part rassurant, car au moins on sait qu’elle est toujours bien là. Je peux en parler en connaissance de cause, puisqu’elle est collée à la chambre du VIP et que je passe donc mes nuits avec elle…. Au près serré, la stridence de ses sifflements fait concurrence avec ceux du gouvernail, ce qui s’explique puisque basse elle sort de 4 mètres sous la coque….Elle se calme un peu lorsqu’on la remonte au portant mais son chant reste toujours présent aux oreilles.
En sortant sur le pont on rentre dans le domaine de l’aérien mais ce n’est pas triste non plus. En général nous bordons correctement nos voiles et elles font leur boulot sans trop se faire remarquer. Discrètes, parfaites. Non en haut, les bruyants sont les deux flotteurs qui font éclater la mer dans des explosions d’embruns et l’étrave qui fend la vague inexorablement. Sans oublier nos deux éoliennes qui tournent comme des folles avec des vrombissements d’hélicoptère, ce qui évite au barreur de s’endormir.
Finalement l’endroit le plus calme dans cet discordant Empire des bruits est encore notre petite cabane sur le pont sous laquelle nous nous serrons (parfois tous les cinq) pour nous abriter, à condition qu’il n’y ait pas une vague assassine qui le percute ou alors un poisson volant kamikaze à l’allure de « Scud ».
Mardi 2 juin
C’est bien d’avoir un marin bricoleur !
Discutant un jour autour d’une bonne bière avec Franck Cammas (ce qui, concernant Franck, est assez rare, ce dernier étant plutôt abonné aux graines et au soja), nous étions arrivés à convenir que l’un comme l’autre nous avions « deux mains gauches ». Ce qui signifie plus prosaïquement que ni l’un ni l’autre n’étions des grands bricoleurs.
Ce n’est pas le cas à bord de Race For Water.
Nos petits ennuis ont commencé en milieu de nuit alors que nous étions en train d’enrouler le Gennacker à l’approche d’un grain menaçant. Sait on jamais avec ces grains tropicaux ! Avec Claude nous nous acharnions sur les manivelles de la colonne de moulin à café bâbord quand un sinistre craquement mit un frein à nos efforts. Un jet habile de lampe frontale pour constater que le cardant de la barre de connexion avait sauté. Damned ! Comme disent les anglais. Obligé de finir à la manivelle, beaucoup plus long et plus dur surtout.
Ce petit bout de métal anodin pouvant avoir des conséquences fâcheuses à terme sur la vie du bord, dès potion minet Claude endosse sa tenue de « MacGyver » puis étale son matériel de bricolage dans la largeur du cockpit. Effaré je contemple la liste d’outils divers et variés allant de la perceuse (avec ses mèches) à la découpeuse à disque (!), sans compter évidemment les tournevis, clés Allen, etc…Je n’imaginais même pas deux secondes que nous disposions de tous ces trucs (auxquels je touche rarement, je l’avoue) à bord. Mais surtout, compte tenu des mouvements violents de notre fier navire toujours lancé aux alentours de 25 noeuds dans cette mer toujours atrocement désordonnée, j’imaginais mal comment il allait pouvoir s’en servir sans se faire mal ! Hé bien, chose pour moi incroyable, après deux heures de labeur effréné, de fraisage à main libre (conseillé par l’oeil expert de Steve ex spécialiste suisse en mécanique de précision et c’est peu dire), d’élagage de tubes alu (merci Peter pour le «traveling system») et j’en passe, le mal est réparé au moins jusqu’à Hawaï.
Mais nous n’étions pas au bout de nos peines ! A peine le cockpit rangé ce même Claude (décidément quel héros) jetant un coup d’oeil anodin au Gennacker décèle un grave début d’avarie ayant pour cause première un nerf de chute détendu et comme conséquence une large déchirure sur la partie arrière de notre voile mascotte. Obligé de s’y mettre tous et rapidos pour rouler l’engin et le descendre sur le trampoline pour un examen plus approfondi. Vous remarquerez tout de même la juste chronologie des événements : la réparation de Claude sur le moulin nous permet d’enrouler correctement et rapidement la voile blessée. Steve d’autorité prend les choses en main : « laissez la moi ! » C’est dire que c’est lui qui va s’y coller pour la couture. A le suite de l’atelier de mécanique, notre cockpit est transformé en voilerie. La voile enroulée prend de la place avec ses méandres de boa constrictor et cela devient une épreuve de passer d’un bord sur l’autre. Malgré tout les choses avancent bien, collages précis de tranches de Mylar et bandes de Cuben, puis couture à l’aiguille et la paumelle, un véritable artiste notre suisse, aurait pu être chirurgien. Et hop, on s’acharne de nouveau sur les manettes et voilà notre belle voile en l’air prête au service. Ni vu ni connu je t’embrouille !!!
Mercredi 3 juin
Dans une grosse poignée d’heures, si tout va bien, nous allons apercevoir l’île là bas au bout de l’horizon. Ce ne sera pas une des Marquises comme prévu initialement car une queue de cyclone tropical a entrainé un climat venté et surtout très humide dans ses parages. Très peu pour nous! Nous avons donc choisi de nous arrêter aux Tuamotu, plus précisément dans l’île de Fakarava. Cet archipel situé un peu plus à l’ouest mais toujours bien placé par rapport à notre route vers Hawaï fait partie des Iles de la Société, territoire français d’outremer. Ca va être le moment de sortir notre beau pavillon Gwen A Du, cadeau de Patrice, notre copain breton de l’Ile de Pâques. Plus sérieusement, c’est aussi un archipel soumis aux attaques de la pollution plastique avec des plages à inspecter.
Cette nuit en barrant aux étoiles, j’en ai deux bien distinctes, l’une qui me borne dans mon attaque au vent et l’autre qui m’indique la limite à ne pas dépasser sous le vent, j’ai réalisé que la dernière (et la seule fois) où je suis passé par ici remonte à l’hiver 1982 lorsque nous avions rallié Tahiti après avoir démâté dans le Pacifique Sud. Ce n’était pas à 20 noeuds de moyenne, loin sans faut, puisque nous marchions à la vitesse d’un escargot sous gréement de fortune dans encore heureux d’avoir un alizé conséquent pour nous faire avancer. C’était lors de la troisième édition de la course autour du monde en équipage Withbread qui, funeste souvenir, s’est arrêtée pour nous dans le port de Papeete. Faisant contre mauvaise fortune bon coeur, nous avions passé une bonne quinzaine de jours à construire un ber afin de ramener la bateau en Europe sur un cargo et avions bien profité de l’hospitalité des habitants ravis d’accueillir des marins rescapés du « Grand Sud ».
A propos de gallinacé, tout à l’heure, nos camarades ont doublé dans la nuit un voilier de plaisance qui a bien dû se demander quel type d’ovni pouvait bien le passer à cette vitesse quasi supersonique. En tous cas, cette rencontre unique depuis notre départ de l’Ile de Pâques indique clairement que nous approchons d’endroits habités. De même, au matin un couple de Fous de Bassans est venu tourner curieux autour du bateau peut être en quête de quelques nourriture. C’est vrai que nous étions en train de déguster l’omelette matinale sacro sainte de Bunny. Ces oiseaux de mer sympathiques qui volent inséparables en couple sont toujours les premiers à accueillir les navigateurs à l’approche des îles.
Pour l’instant, nous enchainons les manœuvres afin de bien profiter du flux qui nous propulse dans la bonne direction, empannages, enroulement et déroulement de Gennacker ou Solent, prises et renvois de ris. On ne s’ennuie pas, les quarts de trois heures passent vite et je vais finir par connaitre ce bateau par coeur.
En effet, il ne s’agirait pas d’arriver la nuit tombée, des fois qu’on soit obligés d’attendre dehors qu’il fasse jour pour rentrer dans la passe étroite qui pénètre dans le lagon.
Devant nos étraves l'entrée du lagon. |
Jeudi 4, vendredi, 5 samedi 6 juin 2015
Escale aux Tuamotu, île de Fakarava
Escale aux Tuamotu, île de Fakarava
Notre escale à Fakarava, c’est du vrai bonheur ! Nous choisissons toujours parfaitement le moment de notre arrivée. Au petit matin à l’Ile de Pâques et en fin d’après midi aux Tuamotu. Deux mille milles plus au nord ouest de notre dernière escale, après une semaine de mer, nous découvrons de nouveaux paysages. Imaginez de petits bouts de terre qui sortent d’abord de l’horizon. En se rapprochant on s’aperçoit qu’il s’agit de bouquets de cocotiers qui annoncent bientôt des langues de sable blanc. A bord, c’est l’excitation et l’effervescence : on imagine bien sûr à être accueillis par de gracieuses vahinés au longs cheveux noirs et aux formes pleines avec bien entendu les colliers de fleurs qui vont avec. Il s’agit que le bateau soit impeccable et nos manœuvres parfaites. Préparer l’annexe et lui poser son moteur, trier les mouillages, décrocher la grosse ancre de son support, parer les bouteilles de plongée et pour la première fois depuis le départ, gonfler les deux paddles….
On sent que l’on a touché enfin les eaux chaudes des tropiques, les bretons vont enfin oser se baigner!
Préparation avant le mouillage. |
L’eau bleu outremer du lagon s’éclaircit en approchant du rivage et se colore de jade. Quelques maisons s’égrènent au milieu des cocotiers avec de ci de là des bandes de sable immaculé. On aperçoit le clocher pointu d’une église tropicale et un bâtiment blanc un peu plus moderne qui doit être la mairie. Plusieurs voiliers sont au mouillage devant ce qui nous semble un bout de quai. Il doit servir au cargo qui vient ravitailler l’île chaque semaine et que nous avons croisé en doublant la pointe nord de l’île. Le soleil couchant allume la lumière et pour parachever le paysage, passent devant nous deux pirogues de course aux coques éclatantes menées par des athlètes cadencés.
Choix du mouillage à Fakarava |
Course de pirogues à notre arrivée ! |
Nous mouillons sans souci le bateau par l’arrière et nous frottons les mains de satisfaction : pas d’erreur, nous sommes bien arrivés en Polynésie.
Au mouillage. |
Surprise, surprise…. Nous en sommes à déguster nos premières Hinano, la fameuse bière de Tahiti, lorsque arrive le superbe catamaran à moteur de notre copain Laurent Bourgnon venu organiser ici une session de plongée pour des clients américains. Devinez où nous allons diner ce soir !!! Ce sont de vrais retrouvailles de vrais copains. Steve, Claude et moi avons tous vécu des histoires formidables avec Laurent lorsque nous naviguions en course les uns contre les autres et puisse Steve retrouve un autre Helvète et se sentira ainsi moins isolés au milieu de tous ces bretons….
Notre ami Laurent Bourgnon. |
Randonnées en paddle, plongées au milieu des requins et des barracudas, c’est vrai il y en a des quantités, parfois en bandes de quinze à vingt occupés à tourner en dessous de vous… On a beau dire que ce sont des gris et qu’ils ne sont pas dangereux, je ne peux m’empêcher de surveiller mes arrières lorsque je nage dans le lagon.
Un visiteur imprévu ....! |
Que faites vous Madame Royal ?
Malheureusement, cette île à un côté pile et un côté face. Le côté pile c’est celui que je viens de vous décrire, le côté carte postale des plages de sable blanc et des cocotiers de la côte sous le vent.
Mauvaise surprise côté face ! Avec Steve, nous nous rendons sur le rivage orienté au sud. Cela ne prend pas beaucoup de temps car l’île fait moins d’un kilomètre de large. Sa partie dirigée vers les vents dominants est bordée par une superbe barrière de corail à la belle couleur orangée. Mais toute la plage attenante au corail est jonchée de détritus, morceaux de cordage en polypropyléne, filets de pêche en lambeaux, bouteilles plastique, sans compter une quantité de micros déchets de toutes les couleurs. Cette partie de l’île est atrocement polluée. On trouve aussi de nombreuses décharges sauvages égrenant vieux pneus, carcasses rouillées de voitures cabossées, et même des essieux de camions….. Evidemment, une partie de la pollution arrive de la mer mais la plus visible vient surtout de la terre et de ses habitants. Nous n’en croyons pas nos yeux et prenons effarés une quantité de photos et autant de témoignages. Louis, un jeune pêcheur local nous emmène voir la décharge « officielle ». Au milieu de la verdure, des hibiscus et des cocotiers, à quelques mètres à peine de la mer, une fumée noire s’élève d’un tas d’ordures à peine triées. Ici encore des carcasses rouillées de voitures. On y trouve même un minibus !!!
Malheureusement, cette île à un côté pile et un côté face. Le côté pile c’est celui que je viens de vous décrire, le côté carte postale des plages de sable blanc et des cocotiers de la côte sous le vent.
Le côté pile !!!! |
Mauvaise surprise côté face ! Avec Steve, nous nous rendons sur le rivage orienté au sud. Cela ne prend pas beaucoup de temps car l’île fait moins d’un kilomètre de large. Sa partie dirigée vers les vents dominants est bordée par une superbe barrière de corail à la belle couleur orangée. Mais toute la plage attenante au corail est jonchée de détritus, morceaux de cordage en polypropyléne, filets de pêche en lambeaux, bouteilles plastique, sans compter une quantité de micros déchets de toutes les couleurs. Cette partie de l’île est atrocement polluée. On trouve aussi de nombreuses décharges sauvages égrenant vieux pneus, carcasses rouillées de voitures cabossées, et même des essieux de camions….. Evidemment, une partie de la pollution arrive de la mer mais la plus visible vient surtout de la terre et de ses habitants. Nous n’en croyons pas nos yeux et prenons effarés une quantité de photos et autant de témoignages. Louis, un jeune pêcheur local nous emmène voir la décharge « officielle ». Au milieu de la verdure, des hibiscus et des cocotiers, à quelques mètres à peine de la mer, une fumée noire s’élève d’un tas d’ordures à peine triées. Ici encore des carcasses rouillées de voitures. On y trouve même un minibus !!!
Le côté face .... |
Le côté face (suite)... |
Que faire ? Eduquer les enfants qui jouent sur le terrain de sport voisin est la vraie solution pour le long terme. A plus brève échéance, on se demande avec Steve pourquoi les cargos qui viennent de Tahiti approvisionner l’île ne repartiraient pas en embarquant les déchets non dégradables (et les carcasses de voitures rouillées!). Evidemment cela se ferait au dépend d’un peu de fret mais le jeu en vaut vraiment la chandelle. Sinon, dans quelques années, ces îles de rêve perdront beaucoup de leur charme et cesseront d’attirer les touristes et la manne financière qu’ils apportent aujourd’hui. Une fois de plus nous nous trouvons sur le territoire français et constatons notre retard concernant la politique environnementale. Il y a quelques mois, je voyageais en Bolivie et visitais une île du Lac Titicaca. J’avais été surpris de trouver des poubelles de tri dans les villages et sur les chemins de randonnée . Avec mes camarades de Race For Water, nous avions fait la même constatation à Valparaiso sur l’Ile de Pâques. Ici, aucune trace…. Que faites vous Madame Royal ?
Nettoyage .... |
Fakarava - Malden Island
Lundi 8 juin 2015
Laurent Bourgnon à la barre de son annexe à moteur nous fait un dernier signe de la main. Nous venons tout juste de relever notre mouillage . La manoeuvre nous a quand même pris une bonne heure car le vent d’alizé est monté dans l’après midi et il a fallu déployer tous nos efforts et rester bien concentrés pour mener l’affaire à bon terme. Nous filons maintenant à toute blinde à travers l’étroite passe sour grand voile à 2 ris, rasant le ponton du bar où nous avons bu une ultime bière
hier au soir avec nos compagnons d’escale et effarouchant une palanquée de requins en ballade devant nos étraves. Les imprudents !
Et nous voilà de nouveau en mer pour quelques jours après cette délicieuse escale pleine de squales (hum, vous avez saisi le jeu de mot j’espère!). Mais il est vrai que les requins resteront probablement un des souvenirs les plus marquants de notre passage dans les Tuamotu. Je pense plus particulièrement à celui que nous avons pêché par inadvertance l’autre matin sur le bateau et qu’il a fallu hisser à bord pour que Claude (ce héros) ose braver ses mâchoires pour le libérer .
Départ le soir des Tuamotu |
Le train train des quarts de 3 heures a repris. Nous commençons avec Bunny jusqu’à 21 heures avec en prime un sublime coucher de soleil sur l’île que nous quittons tout juste. Pas de souci de préparation de dîner pour une fois. Fred le cuistot de Laurent s’est occupé de tout et nous a concocté un repas de fête. Tenez vous bien : tartines de foie gras maison en entrée, suivi d’un filet mignon à la crème et aux champignon de Paris et des babas au rhum en dessert….! Le tout arrosé d’un petit bordeaux directement sorti de la cave de notre ami….
Bon d’accord, l’ambiance est un peu aux mouvements browniens avec cette mer courte et cassante qui nous force a rouler avec la trinquette en attendant que ça adonne comme convenu avec les fichiers. C’est alors que nous enclencherons le turbo en ligne directe jusqu’à notre prochaine escale en terre inconnue…
Il ne fait pas toujours beau aux approches de l'Equateur. |
Mardi 9 juin, mercredi 10 juin 2015
Pratiquement 500 milles de parcourus en 24 heures depuis hier soir.
A ce rythme là, nous allons pouvoir choisir notre prochaine escale, l’idée étant de nous arrêter sur une île totalement déserte afin de pouvoir contrôler la pollution plastique en dehors de toute interaction de la population locale.
En attendant, chacun reprend plaisir à barrer en enchaînant les quarts 3 heures, 3 heures….Il devient de plus en plus pénible de dormir à l’intérieur à cause de la chaleur, quand à la cuisine elle commence à ressembler aux portes de l’enfer avec Bunny déguisé en diablotin pervers. Nous approchons à grande vitesse de l’Equateur et les prochaines îles que nous allons atteindre appartiennent à l’archipel de la Ligne. Concernant mon camarade de quart, j’ai failli le perdre cette nuit, pour cause son combat nocturne contre l’échelle de descente qui a failli lui couter une clavicule. Il s’en est tiré avec une grosse contusion et à gagné 3 heures de sommeil car Steve a cru bon de le remplacer.
Je repense à mon premier passage de la fameuse Ligne, c’était en 1975 à bord de Penduick 6 alors que nous faisions route vers Capetown, première étape du Triangle Gauloises. Et je me dis que les choses ont bien changé. Je me rappelle surtout d’une nuit épique en plein Pot au Noir où nous avions passé des heures à manoeuvrer sous des grains violents suivis de calmes blancs. Tout cela pour grapiller quelques milles. Mais Tabarly n’était ni avare de ses efforts ni de ceux de ses équipiers. Notre bateau était bien plus compliqué que Race For Water avec ses deux mâts entre lesquels on envoyait deux voiles d’étai ou un spi d’artimon. Il n’y avait pas d’enrouleurs et on se coltinait les changements de voile sur la plage avant qui évoquait souvent le pont d’un sous marin, en décrochant un à un les mousquetons grippés par le sel et en enfournant en vrac la toile mouillée dans le panneau béant de la soute à voiles…. Tout ça pour vous dire que les choses me paraissent bien plus faciles aujourd’hui.
Bunny à l'envoi de documents vidéo... |
Steve surgit de derrière sa table de navigation (je n’arrive pas à donner à cette ridicule tablette en carbone le nom de table à cartes) pour m’annoncer que notre prochaine destination sera l’île de Malden située à 60 milles devant nos étraves ce qui peut nous faire arriver dans moins de trois heures donc avant la nuit. C’est une île triangulaire de 5 milles de long inhabitée selon les instructions nautiques . Nous ne disposons que d’une vue satellite qui nous indique qu’à priori il n’y a pas d’endroits pour mouiller une ancre . Nous échafaudons plusieurs plans pour débarquer, mais dans tous les cas il faudra laisser le bateau à la cape pendant qu’une partie de notre équipe ira à terre.
Encore un superbe coucher de soleil la veille de notre arrivée à Malden Island. |
Jeudi 11 juin 2015
« Hé les gars, y’a un banc de sable devant ! »
C’est le jeune (Martin) qui nous tire de notre torpeur de cette fin d’après midi. En fait de banc de sable, c’est bien de l’île de Malden qu’il s’agit, mais comme elle ne fait que 8 mètres de hauteur (d’après les renseignements très sommaires en notre possession), à 5 milles de distance l’erreur est possible. Tu es pardonné Martin.
Enfin nous tenons notre île déserte. Le « timing » est parfait, 6 heures du soir locales, cela nous laisse presque 3 heures de jour pour trouver un mouillage correct. Nous nous rapprochons dans la limite des fonds disponibles de cette longue bande de sable blanc étrangement vierge de cocotiers pour tenter une première reconnaissance . Je fais partie avec Martin et Steve du premier corps expéditionnaire à bord du semi rigide promptement mis à l’eau. Nous emmenons un paddle car cela nous parait le moyen le plus sûr pour débarquer compte tenu des vagues qui déferlent. Steve s’y colle et entre deux vagues il réussit habile à prendre pied sur la plage. De retour sain et sauf un gros quart d’heure plus tard ses commentaires sont intéressants : tout d’abord le rivage est couvert de déchets en tout genre, il n’y a aucune trace de vie humaine, par contre il faut trouver un autre endroit si nous voulons débarquer en semi rigide.
Enfin nous tenons notre île déserte. Le « timing » est parfait, 6 heures du soir locales, cela nous laisse presque 3 heures de jour pour trouver un mouillage correct. Nous nous rapprochons dans la limite des fonds disponibles de cette longue bande de sable blanc étrangement vierge de cocotiers pour tenter une première reconnaissance . Je fais partie avec Martin et Steve du premier corps expéditionnaire à bord du semi rigide promptement mis à l’eau. Nous emmenons un paddle car cela nous parait le moyen le plus sûr pour débarquer compte tenu des vagues qui déferlent. Steve s’y colle et entre deux vagues il réussit habile à prendre pied sur la plage. De retour sain et sauf un gros quart d’heure plus tard ses commentaires sont intéressants : tout d’abord le rivage est couvert de déchets en tout genre, il n’y a aucune trace de vie humaine, par contre il faut trouver un autre endroit si nous voulons débarquer en semi rigide.
De retour à bord, nous longeons la côte vers le nord pour trouver une zone plus calme. Dans le crépuscule qui s’installe, on distingue vaguement ce qui ressemble à des ruines . Notre île déserte serait-elle habitée ? Finalement après les péripéties habituelles nous arrivons à ancrer le bateau pas trop loin du rivage, enfin on le suppose, car dans la nuit sans lune agrémentée de quelques grains, on ne voit pas grand chose. Demain sera un autre jour.
Préparation du mouillage à Malden |
Vendredi 11 juin
Exploration de l’île Malden.
Dès que le jour parait nous sommes à pied d’oeuvre parés à débarquer avec tout le matériel requis pour une exploration systématique des rivages de notre île. La mer est relativement calme à l’endroit de notre mouillage et un débarquement en semi rigide est envisageable. Nous laissons le Vieux (Claude) garder le bateau, car l’endroit n’est pas sûr et l’ancre décroche de temps en temps et gagnons la plage avec le semi rigide que nous amarrons auprès d’un des rares cocotiers de l’ile (en fait , il y en quatre au total, ce qui est en définitive très peu!).
Notre bateau vu des ruines de la seule maison de l'ile. |
En fait, les seuls habitants de l’île sont aujourd’hui des colonies de Bernard Lhermitte (à ne pas confondre avec l’acteur) et de Fous de Bassan. Par contre, l’île a été habitée par des humains. Plus récemment pendant la dernière guerre mondiale par des troupes américaines au vu des monceaux de débris rouillés, carcasses de camions, fûts de gasoil par centaine, containers délabrés, laissés à l’abandon. Et bien avant, probablement à la fin du dix neuvième siècle par des européens, comme témoignent les inscriptions funéraires des quelques tombes rassemblées plus loin dans une sorte de cimetière marin. Je me demande bien que pouvaient faire des hommes à cet endroit perdu et totalement inhospitalier. En poussant un peu plus loin mon exploration je découvre à moitié enfouis dans la végétation les rails mangés de rouille d’une sorte de voie ferrée qui semble traverser l’île dans sa longueur. Pourquoi faire ? Extraire des minerais ? Nous retrouverons sur la côte de nombreux morceaux de cuivre qui paraissent provenir de machines d’un autre temps. Il y avait des familles avec des enfants, probablement. Ainsi, une des pierres tombales porte le nom d’un gamin emporté par la mer à l’âge d’un an…. en 1891 !
Les tombes marines de Malden Island. |
Nous installons notre atelier de travail le long de la plage de la côte ouest . La barrière de vieux corail est envahie de débris de toutes sortes venus pour la plupart de la mer à des époques plus ou moins récentes. Beaucoup de bouteilles en verre fermées, des quantités de tongues de toutes les couleurs comme si un container spécial s’était ouvert pas loin lors d’une tempête, des briquets aussi et d’autres macro déchets plastique de provenance indéfinissable.
Sous l’oeil impavide des femelles Fou de Bassans en train de couver leur oeuf (il y en a un seul par couple nous apprendra Claude notre abonné à National Géographic), nous trions les déchets et analysons la plage suivant le protocole mis en place par notre équipe scientifique (qui aurait été ravie d’être là je suppose). Nous y passons l’après midi entière sous un soleil de plomb ou quelques grains potonoiresques bienvenus. Steve fait voler son drone au milieu des oiseaux de mer interloqués pour cartographier la zone. Bunny et Martin font des pâtés de sable, je remplis des sacs de déchets que nous pesons méticuleusement. Bref on est très occupés et on ne voit pas le temps passer.
Les Fous de Bassan de Malden |
Récupération des déchets. |
Déchets plastiques et bernard Lhermitte. |
Pour encore quelques photos je pars fouiner dans l’ancienne base américaine, un peu interloqué qu’on puisse laisser trainer et pourrir de la sorte autant de matériel dans un endroit aussi sauvage. En fait, une fois la capitulation des Japs acquise, on dirait qu’ils sont partis presque dans l’instant en laissant tout sur place.
Les bidons US de Malden... |
Le soir tombe doucement et il est temps de rentrer sur Race For Water pour continuer notre mission, en laissant Malden derrière nous, île isolée, perdue au milieu du Pacifique, seulement habitée par ses Fous de Bassan et ses Bernard Lhermitte….
Mouillage de Malden |
Ile Malden - Hawaï
Samedi 13 juin
Equateur !
On a passé la Ligne au moment de l’omelette du matin. Nous étions assis peinards à l’abri sous la casquette avec nos assiettes, Bunny, le Suisse et moi. Les deux autres dormaient paisibles. Sous pilote le bateau marchait sans se lasser à 16/18 noeuds. Tout allait bien et on commençait à se dire que cet énième passage de l’Equateur allait se passer nickel, c’est à dire sans perdre de notre belle vitesse et pâtir à notre belle moyenne. D’ailleurs on sait très bien que le « Pot aux Noires » atlantique (appelé ainsi parce qu’on y jetait les cadavres des esclaves noirs morts pendant les calmes) le fameux front intertropical tant redouté des marins et des aviateurs ne sévit qu’à proximité des côtes africaines… Rien à voir avec le Pacifique ! N’est ce pas Steve ?
Tout à commencé par un beau grain noir qui a gonflé à notre vent et qui a fait fuir le dit vent pour le remplacer par une pluie diluvienne. D’accord, ça rince la bateau et l’équipage avec, mais quand cela dure toute la journée et la nuit qui suit, on s’en lasse, on s’en lasse bien vite. Calmes blancs, vent qui tourne, pluie battante, ennuis électroniques, accélérations, décélérations, cuisine par terre, et cuisinier boudeur, skippeur énervé, VIP trempé….. Combien de temps avant de retrouver la douceur régulière de l’alizé et les pointes de vitesse qui vont avec ?
Il faudra attendre ce matin.
Après quelques aternoiements qui nous font rouler et dérouler le solent, lancer et stopper le moteur à plusieurs reprises, le vent décide enfin à se stabiliser.
Comme par hasard, c’est juste après l’omelette de Bunny et cela nous indique que la plaisanterie « potonoiresque » aura duré près de 24 heures…
Dimanche 14 juin
C’est Race For Water version shaker….! Ou bien « Fast and Furious »!
Au sortir des grains équatoriaux, nous implorions hier la douceur des alizés. Nous avons bien retrouvé les alizés mais pas leur douceur. Du coup notre bateau s’est mué en sauteur de vagues pour le grand inconfort de son équipage. Le jeu est de chercher et trouver si possible l’endroit le moins pire où se carrer. La cabine arrière média est à proscrire car les « coups de raquette » sont d’une violence à vous casser la tête, la petite banquette face à la cuisine n’est pas trop mal à condition d’accepter le risque d’un jet de bouilloire ou d’autre ustensile ménager. Concernant le reste de notre petit deux pièces, c’est vite vu : il reste le siège de navigation mais c’est l’apanage de notre skipper et les deux couchettes. C’est de loin le meilleur endroit pour attendre que ça se passe , mais nous sommes cinq et elles sont bien trop étroites pour dormir à deux dedans même si notre éthique l’autorisait. Vous noterez que j’ai fait une croix sur mon espace VIP qui pourrait être vivable à condition d’être sourd. Alors il faut monter en terrasse ! Ce qui nécessite d’enfiler un équipement complet de marin scaphandrier . A tout prendre, on peut se serrer à deux sous la casquette sous le regard impassible de notre compère le Moï, stoïque sous les paquets de mer qui balayent le cockpit. Sinon, il faut s’installer sur le siège du barreur, bien à l’abri derrière le bouclier en plexi,. Et là ce n’est pas mal du tout, car on bénéficie du grandiose et merveilleux spectacle des étraves qui filent à toute vitesse au ras des vagues et des voiles tendues qui propulsent notre engin à plus de 20 noeuds dans des nuées d’embrun. Personnellement je ne m’en lasse pas !
Vaisselle et gros temps.... |
Avec si possible dans les oreilles « Paranoid » de Black Sabbath, enfin pour eux qui connaissent et ont un chouia de culture musicale.
Un peu moins de 500 milles du but. On pourrait y être demain soir pour l’apéro suppute Bunny en zoomant sur la carte informatique de la cabane… Il a bien raison, une bonne bière face à la Marina avec les jolies serveuses qui vont avec, ce serait top ! Voilà à quoi rêvent les marins de Race For Water sur la fin de leur épopée pacifique….
Lundi 15 juin
Bientôt Hawaï... |
Ce soir peut être Hawaï !
Nous avons eu droit tout à l’heure au coucher de soleil le plus magnifique depuis Valparaiso. Un peu inattendu car cette fin d’après midi n’avait rien d’exceptionnel en soi. Pas de grain au loin pour noircir l’horizon et activer nos manoeuvres. La mer s’étant elle même assagie, nous glissions sans heurt à plus de vingt noeuds sans aucun souci sous pilote, déjà occupés aux tâches ménagères de la soirée.
Et tout d’un coup l’océan s’est embrasé comme jamais. D’abord sur toute la largeur de l’horizon côté ouest, puis tout autour de nous. Allez donc savoir pourquoi. Nous avons navigué pendant de longues minutes sur un océan de sang à en devenir inquiétant. Benny a évoqué une catastrophe nucléaire, les chinois ayant attaqué le reste du monde sans que nous soyons au courant, isolés que nous sommes dans notre microcosme marin. Peut être, comme dans les romans de Barjavel, sommes nous les seuls survivants, condamnés à errer sur la mer pour l’éternité ? Non !
Pour nous rassurer la nuit est quand même revenue, tropicale, avec son nuage d’étoiles.
Ce soir peut être Hawaï ! Ou au pire demain !
J’y ai pensé cette nuit à la barre en suivant la Grande Ourse et l’Etoile Polaire de plus en plus visibles et hautes dans le ciel à mesure que nous montons dans le nord. C’est drôle, soit dit en passant, il y a quelques jours nous « montions dans le sud » ! Magie de l’équateur et quel bonheur de ne plus avoir la tête à l’envers.
Ce soir, j’ai revu les photos « kodachrome » des Match de mon enfance que je dérobai dans le bureau de mes parents avec Penduick 4, le premier trimaran de course digne de ce nom, et à bord les héros de l’époque, Eric Tabarly, Olivier de Kersauson, Alain Colas…. Torses nus, costauds et bien bronzés ils barraient décontractés ce long cigare d’aluminium brut sur les flots bleus pacifique. On ne savait pas encore les inimitiés qui allaient les agiter plus tard. Peut être allons nous croiser leur sillage. Ils me faisaient rêver moi qui ne barrais qu’un Vaurien et pensais bien les imiter un jour.
Il y avait aussi une photo de ce même bateau traçant son sillage en baie d’Honolulu et remorquant une pin up en bikini très à l’aise sur ses skis nautiques… Cette histoire a donné une idée à Steve qui voudrait tenter une expérience similaire tracté debout sur un paddle par notre Mod 70. J’aimerais bien être encore présent à bord pour voir ça !
En attendant, nous naviguons 40 milles sous le vent de la grande île et son volcan de plus de 2000 mètres de hauteur, ce qui vous vous en doutez perturbe bien notre alizé. Tout à l’heure pendant le diner nous avons eu droit à une grand débat entre Claude et Steve sur l’influence des montagnes sur le vent… Le Guadeloupéen marin contre l’Helvète lacustre… Difficile de savoir qui a tort ou raison. Si ça adonne ou refuse, si ça forcit ou mollit? Nous autres les bretons nous gardons bien de donner notre avis sur la question, les îles bretonnes que ce soit Ars, Ouessant ou Sein n’ont pas de montagnes….
En tous les cas, il y a une tournée de bière en jeu à l’arrivée à Honolulu. Peut-être demain si le vent le veut bien !
A l'approche d'Hawaï, le pavillon américain |
Et nous voilà arrivés à Honolulu après une nuit passée en baie car il nous a fallu attendre le jour pour gagner notre emplacement réservé dans la Marina. Comme prévu. Ce n’est pas la même ambiance que nos escales précédentes. De grandes tours qui enlaidissent la baie, beaucoup de bruit, des touristes et des voitures partout. Depuis Valparaiso, nous avons perdu l'habitude.... Nous nous glissons presque en catimini à notre emplacement à quai juste derrière un énorme motor boat assez laid. Cependant, les gens du port sont très aimables et nous proposent de nous emmener à notre hôtel où nous allons retrouver le reste de l'équipe qui doit arriver en soirée.
La rade d'Honolulu, une autre histoire.... |
La belle équipe de Race For Water Odyssey. |
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